Krys Jacou - Espace Bocaud
Virginie R.
Apparue dans le courant des années 2000, l’optogénétique n’a depuis cessé de bouleverser le monde des neurosciences. A la croisée de l’optique et du génie génétique, cette technique consiste à modifier génétiquement des neurones afin de les rendre sensibles à la lumière. Appliquée au système visuel, la thérapie optogénétique est l’une des pistes de recherche parmi les plus prometteuses pour restaurer la vue de patients aveugles, comme en témoignent les récents travaux menés à l’Institut de la Vision.
C’est au début des années 2000 que commence, à proprement parler, l’histoire de l’optogénétique. Des chercheurs découvrent qu’en présence de lumière, des algues unicellulaires produisent un courant électrique qui les propulse vers la source lumineuse. Ils identifient alors la channelrhodopsine, une protéine produisant des courants électriques dans la cellule sous l’effet de la lumière. Véritable révolution technologique en matière de neurosciences, fondée sur cette protéine, l’optogénétique est une méthode qui consiste à introduire dans les neurones une telle protéine sensible à la lumière, capable de créer un courant électrique au travers de la membrane cellulaire. Ainsi l’optogénétique permet d’activer et d’inhiber à volonté des neurones spécifiques via un faisceau lumineux et d’en observer les conséquences sur le fonctionnement cérébral ainsi que sur le comportement des individus. Cette technique est aujourd’hui en passe d’ouvrir de nouvelles perspectives et stratégies thérapeutiques dans bien des domaines d’applications. On citera pour exemples la récupération de la mémoire, le contrôle des crises d’épilepsie, le traitement de maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson ou encore de la douleur chronique… parmi tant d’autres possibilités.
L’optogénétique compte également parmi les stratégies de restauration visuelle actuellement à l’étude. Les chercheurs fondent en effet beaucoup d’espoirs dans cette technique pour contrer les effets de certaines maladies neurodégénératives comme la DMLA ou la rétinopathie pigmentaire. Celles-ci sont responsables de la destruction progressive des cellules de la rétine sensibles à la lumière (celle des bâtonnets et des cônes), avec pour conséquence une perte de fonctionnement des photorécepteurs menant progressivement à la cécité. L’axe de recherche majeur de l’optogénétique est donc d’utiliser les protéines sensibles à la lumière, notamment la channelrhodopsine qui est une protéine de la même famille que celles naturellement présentes dans les cônes et bâtonnets de la rétine, et de les introduire dans les cellules résiduelles à l’aide de vecteurs viraux. L’expression de la protéine d’algue rendant les neurones photosensibles, ceux-ci peuvent alors être activés ou désactivés par la lumière comme de véritables photorécepteurs. Le chercheur Zhao Pan est le premier, en 2006, à avoir réussi à faire exprimer une protéine photosensible dans les cellules ganglionnaires d’une rétine d’une souris aveugle. Ses recherches ont confirmé que les cellules ganglionnaires génétiquement modifiées étaient devenues photosensibles et donc capables d’envoyer des signaux électriques au cerveau suite à une stimulation lumineuse. A l’Institut de la Vision, le centre dédié à la recherche sur les maladies oculaires à Paris, plusieurs équipes travaillent ensemble au développement de la thérapie optogénétique appliquée à la rétine, avec pour objectif de redonner aux patients malvoyants une certaine perception visuelle. A ce titre, différentes pistes sont actuellement en cours d’évaluation.
Après avoir démontré l’efficacité de la thérapie optogénétique chez des souris, les chercheurs ont évalué ses effets sur des rétines post-mortem de macaques et d’humains et en ont tiré des conclusions particulièrement encourageantes. Chez les primates non-humains, la protéine photosensible s’exprimait alors uniquement dans les cellules ganglionnaires situées dans une zone périmaculaire, ce qui est particulièrement intéressant puisque c’est cette zone qui est chez l’homme la plus importante pour la perception visuelle. De plus, ils ont montré que la thérapie optogénétique nécessitait de fortes intensités lumineuses, correspondant à la lumière au soleil en été. Or, ce type d’intensité n’étant pas présente dans la vie quotidienne, l’optogénétique devra être associée au port de lunettes projetant de fortes intensités de lumière sur les rétines des patients traités. Enfin, les chercheurs ont observé que l’expression de la protéine d’algue à la surface des cellules n’induisait aucune réaction inflammatoire et qu’elle n’était pas rejetée par l’organisme. Ces résultats ont conduit à une demande d’autorisation d’essais cliniques. S’ils ne sont pas, à l’heure actuelle, validés par les autorités françaises, les autorités réglementaires au Royaume-Uni ont quant à elles déjà donné leur accord et ces essais cliniques concerneraient les patients ayant perdu la vue suite à une rétinopathie pigmentaire.
En 2010, le Dr Roska (Bâle, Suisse) et les chercheurs de l’Institut de la Vision avaient constaté que des patients atteints de rétinopathie pigmentaire pouvaient être aveugles tout en ayant encore des photorécepteurs. Or, ces photorécepteurs dits « dormants » avaient perdu leur capacité de répondre à la lumière. Leur réactivation par thérapie optogénétique pourrait procurer une bien meilleure vision que l’activation des cellules ganglionnaires. Les premiers résultats de ces recherches sur des souris aveugles ont montré que les photorécepteurs ainsi réactivés permettaient de retrouver des performances aussi complexes que la sensibilité directionnelle au mouvement. A l’Institut de la Vision, les chercheurs et principalement Deniz Dalkara, biologiste moléculaire, chercheuse à l’Inserm et chef d’équipe à l’Institut de la Vision à Paris, ont poursuivi ces recherches pour permettre le transfert de cette approche en clinique humaine. Ils ont ainsi trouvé les conditions pour exprimer l’une de ces protéines photosensibles dans les photorécepteurs de la rétine de primate non-humains. Ces résultats très récents ouvrent la voie pour une translation à l’homme dans un futur proche.
L’optogénétique est au cœur du projet CorticalSight, mené par un consortium international et coordonné par le Pr José-Alain Sahel et Serge Picaud, au sein de l’Institut de la Vision. Son objectif : restaurer la vision par stimulation optogénétique du cortex visuel chez des personnes devenues aveugles, ayant perdu tout lien œil-cerveau suite à la perte des cellules ganglionnaires de la rétine, conséquence de traumatismes oculaires ou d’affections rétiniennes comme un glaucome, une rétinopathie diabétique ou une neuropathie optique. Pour ce faire, les chercheurs devront développer un dispositif intelligent de capture d’image combiné à la stimulation optogénétique. En détail, il associera plusieurs dispositifs fonctionnant en série : au niveau du visage, un premier dispositif fixé sur des lunettes sera composé d’une caméra filmant l’environnement direct du patient en haute résolution. Au niveau du cerveau, le deuxième dispositif transformera par le biais d’algorithmes complexes les informations visuelles en signaux lumineux interprétables par le cerveau. Grâce à l’optogénétique, les neurones spécifiques du cortex visuel seront rendus sensibles à la lumière par l’introduction en leur sein d’une opsine microbienne. Les deux dispositifs externe et interne seront alors couplés pour que les signaux lumineux en provenance de l’extérieur soient transformés en stimulations capables d’activer les neurones du cortex visuel. Le cerveau humain traduira ensuite la perception visuelle en image mentale représentant l’environnement.
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Virginie R.
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